mardi 17 janvier 2012

La police des polices épinglée par la Cour des comptes

La police des polices épinglée par la Cour des comptes
Didier Migaud appelait l'attention du ministre "sur l'absence de pilotage des contrôles internes".
REUTERS/POOL New

Quand la Cour des comptes critiquait les organismes de contrôle policiers... Alors que l'IGS est au coeur d'une enquête qui la vise à Paris, L'Express révèle un document édifiant de 2010. 

L'alerte avait été donnée dès le 23 juillet 2010. Le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, avait alors écrit au ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, pour lui signaler de graves dysfonctionnements au sein des organismes de contrôle de la police nationale, l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l'Inspection générale des services (IGS). Le haut magistrat, s'appuyant sur une enquête de la Cour, appelait ainsi l'attention du ministre "sur l'absence de pilotage des contrôles internes". Ce document de six pages, dont L'Express a eu connaissance, prend aujourd'hui un relief particulier alors que l'IGS, la "police des polices", est soupçonnée, d'après le quotidien Le Monde, d'avoir provoqué par des moyens illégaux, en 2007, l'éviction de fonctionnaires de la préfecture de police de Paris réputés proches de la gauche. 
Dans sa lettre au ministre, Didier Migaud s'inquiète d'abord de l'"efficacité relative de l'IGPN et de l'IGS". D'après lui, celles-ci "n'ont qu'une vision partielle du fonctionnement des services et du comportement déontologique et professionnel des policiers". Cette insuffisance est aggravée par le fait qu'"à la différence de certaines de leurs homologues européennes, elles sont toutes deux placées sous l'autorité directe du responsable des forces de police soumises à leur pouvoir d'enquête". Dans un langage administratif, le premier président dénonce l'absence d'intervention extérieure dans le processus de contrôle : en clair, la police a pris l'habitude de laver son linge sale en famille, au risque de se voir suspectée de partialité. 
La police a pris l'habitude de laver son linge sale en famille, dénonce Didier Migaud
Pour ne rien arranger, à en croire la Cour des comptes, les deux inspections ne coopèrent que très peu. L'IGPN agit sur l'ensemble du territoire national et laisse à l'IGS ce qui ressortit à la préfecture de police (Paris et les départements de la petite couronne). Elles n'utilisent pas les mêmes indicateurs d'activité et ont, du coup, bien du mal à trouver un terrain d'entente. "C'est d'ailleurs pourquoi les données en matière disciplinaire présentées dans le rapport annuel de l'IGPN, qui synthétisent celles des deux inspections générales, sont dépourvues de signification", assure le haut magistrat. 
Le feu des critiques ne s'arrête pas là. Le document insiste sur le "morcellement de la fonction disciplinaire", un défaut particulièrement prononcé à la préfecture de police. Une part importante des procédures - celles qui donnent lieu aux sanctions les plus légères et les plus nombreuses - échappe à l'IGS. Cette dernière "n'a donc pas une vision complète et précise de l'activité disciplinaire des directions de la préfecture de police". Conséquence immédiate: "Il n'y a pas d'objectifs clairs et partagés et aucune évaluation n'est donc possible." 
Au terme de ce courrier au ton de réquisitoire poli, Didier Migaud en appelle à des "progrès indispensables". D'autant qu'"entre Paris et la province, l'égalité d'accès du citoyen n'est pas non plus assurée". En effet, seuls Paris et la proche banlieue disposent d'un service d'accueil de l'IGS où déposer des réclamations. La conclusion n'en est que plus sévère: "En l'absence de réformes instaurant une organisation à la fois plus intégrée et plus transparente, la question de la pertinence d'un tel système de contrôle interne de la police pourrait se poser au regard des institutions indépendantes créées dans d'autres pays européens." Le haut magistrat prend soin d'accompagner sa signature de la mention manuscrite: "Très cordialement." 

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